1東風解凍
La peau du miroir craque d’un coup D’un bout à l’autre de l’eau Cœur ouvert au ciel
2黄鶯睍睆
Dans le nid mon chant brise l’œuf moucheté de bleu de vert de beige d’un bec fier et implacable
2.1
Sans plumes et tout mouillé mon chant dépourvu d’yeux ouverts Chant aveugle Affamé Enfoui dans le silence
3魚上氷
Les poissons jaillissent de la glace habillés de la cape des eaux froides Attrapent les cendres de l’éphémère délaissées du feu doux papillons gris abandonnés Souvenir de leurs ailes brisure vers l’eau vive
4土脉潤起
La pluie humidifie la terre au rebord de la fenêtre comme des oiseaux de cristal tête en bas sur le fil les larmes jubilent
4.1
Doux tamtam des gouttes sur l’abdomen de la terre Colline à la peau de racines nouées herbes en foule verte
4.2
Sueur de pluie à fleur d’air les pentes réjouissent toutes les eaux accourues des réseaux du ciel Se rappellent de la soif de leur corps et à cri du soleil tourmenteur appeleur de nuages
4.3
O pluie qui trépide sur la peau des vagues Retour, retour, salive et soif
5霞始靆
La nuit j’entrouvre la fenêtre Je laisse pénétrer le parfum d’eau de nuit sans relâche Parfum frais, lesté de terre, de profondeur
5.1
Les gouttes sont ce message du ciel couvert de nuit capuchon sombre, discret et insistant Ouvre, ouvre
5.2
Chaque pore de mon visage comme un puits à rouvrir à la fin de la sécheresse Casser la croûte des ensevelissements Trouver, se laisser trouver
6草木萌動
Un nuage traverse la fenêtre découpe un bout de ciel Ciel c’est une fenêtre aussi que le nuage traverse douce comme le nuage
6.1
Passage de la vitre Tremper son bec Pour les traversées dures comme le cristal
6.2
L’haleine tranquille Calme la fenêtre La vitre se dissout Le temps devient liquide
6.3
Mouvant comme la surface de l’eau sous cette source mon souffle puise dans la nappe enfoncée profonde se purifie dans le cristal des entrailles lisses
6.4
Serpentinement comme un grand tuyau d’arrosage vendu au Malin serre la gorge à l’eau féconde au souffle caresseur d’étang
7蟄虫啓戸
Les insectes sortent de leur hibernation Je me souviens des petites faux de leurs mandibules cohortes et galeries martelées par leur ruée dans mes veines Me souviens d’être dépecée
7.1
Mon regard aiguisé à meuler les jours sur cette antique pierre Happe une mouche un bourdon engourdi et me dit : « Le réveil des insectes »
7.2
Mots Déposés au pinceau sur un ancien papier japonais par un astrologue de cour posant dans l’encre des images mouvantes Émouvantes couleurs ruisselant dans le noir
7.3
Flux dont les arbres dépouillés, en nage, déjà bardés d’oiseaux sont avides maintenant que les jours creusent plus profond les matins comme une gouge
7.4
Seigneurs des branches puisent dans la partition des cadavres de brindilles La liqueur du vert le plus éblouissant
8桃始笑
Les premiers pêchers fleurissent Le bois immortel martèle le chambranle de la porte Tuer les démons avec une épée de bois Être ce moine enfant sous les branches du verger agitant l’éphémère bâton Couper le vent en quatre comme les rêves de passage
9菜虫化蝶
Les chenilles se changent en papillons Doigts dodus de bébés ne saisissent encore rien que l’air Qui retrouve jamais cet empoignement sans réserve ?
9.1
Toi Reste ici près de moi anime mon visage par la chanson de ton visage
9.2
Chanson de ta bouche encore une barque Arrime mon corps à la tempête Sourire au fond des eaux Sommeil du christ
9.3
Chante-moi toujours la chanson de ton visage Pour que partent mes yeux sur les flots sans retour Et reviennent toujours comme la vague à la rive
10雀始巣
Les enfants sortent comme des fous de l’endormissement au lieu de compter les brebis égarées Où suis-je partie nicher qu’ils oublient de me trouver ?
10.1
Contre mon cœur je serre le moineau égaré Dans le nid nous serons deux.
11櫻始開
Les premiers cerisiers sont en fleurs au bord des routes en partance des vergers ou seuls dans le souvenir des arbres anciens et des vies disparues
11.1
Pressant la sève dorée et collante vers le nœud de la greffe irréconciliable
12雷乃発声
Le tonnerre se fait entendre Sourcil très froncé Recouvre presque l’iris du ciel
12.1
Lisière de lumière sur l’échine des arbres Colline poil hérissé Pareille au ruisseau qui court enhardi par la ruée des eaux
12.2
Hardi hardi vers le creux de la vallée où les eaux se recueillent vers la route luisante de la saveur du ciel vers la maison noircie comme du charbon par le crépuscule Sa lumière qui m’attend Et espère
13玄鳥至
Pureté et clarté Les hirondelles sont de retour Le prunus explose de rose pourpre durant la nuit gorgé par l’ondée La longue chevelure du ciel n’arrête pas d’être démêlée sur nos têtes ivres
13.1
Même en dormant même absents à la chair Même circonscrits à la banlieue de l’être Il pleut sur les bons comme sur les méchants
13.2
Ton cœur lupanar de haine Je n’en peux plus
13.3
Leurs yeux en famine du regard comme des puits à sec À puiser la poussière Ce qui s’effondre La mort qui monte La clameur qui enfle
14鴻雁北
Les oies sauvages volent vers le Nord enturbanné de lumière d’avril Comme une couronne Plonge les lames des pétales dans la terre reconnaissante
14.1
Les herbes tendent leurs bras innombrables Je frôle leur ivresse verte la lumière aux chevilles
14.2
Oies sauvages au balcon Cri rauque en passant La longue route du ciel Jettent par-dessus bord leur salut Poursuivent vers le Nord vers l’estuaire de leurs forces
15虹始見
Arc-en-ciel bombé sur la forêt suspendu au plafond du ciel Royales colonnes des troncs tapis perses du sol et souvent je pense Cathédrale
15.1
Dans l’escalade ancestrale des troncs Mousse profonde comme un tapis d’ambassadeur Rumeur orchestrale des oiseaux ramure double
15.2
Arbre isolé dans la prairie de lisière offerte par son père le roi Tissu des colzas ta robe de bal
15.3
Printemps respire la bouche tout contre la tendresse de l’herbe nouvelle
15.4
Feuilles communiantes eucharistie chlorophylle Enfants de chœur en aube tendre
15.5
Je pense à l’alliance tombée dans l’eau du Rhin avec les dieux du doigt coupé Quel dieu la ramassera pour moi et me ramènera à la peuplade des hommes ?
16葭始生
Pluie de grains Sur la peau de l’écran ondulent les peaux des visages Penchés par le vent de l’esprit et le souvenir de la voix murmurant parmi les herbes
16.1
Recueillir les galets d’eau cristal minuscule de la rosée
16.2
Débusquer la toile sortant du ventre de l’araignée et ses compagnes attablées à la pelouse
16.3
Tiges des brunelles rescapées de la lame bruyante Tourelles aux lampes violettes qui guettent je ne sais quoi Ma sœur Anne là-bas Les cavaliers Tartares Le salut ou l’effroi
16.4
L’empreinte d’un pied nu serait comme l’aile d’un ange
17霜止出苗
Dans la maison aussi les graines coincées entre les rainures des dalles dans le mortier effrité des murs s’animent se fendent entortillent leurs nouvelles présences
17.1
La peur et l’espoir du matin où le voilier appareille Chantent ses câbles dans les bras de pierre du port
17.2
Les mouettes disent des mots nouveaux dans la langue rauque de leur gorge
17.3
Dans les épaules des voyageurs et dans leur crâne les amarres se détachent les nœuds laissent filer Péniblement La corde retrouve son sang L’amble se prépare à laisser la rouille tomber en pluie à chacun de leurs pas
18牡丹華
Les pivoines fleurissent Mon jardin est toujours là Les fleurs vont et viennent vert chlorophylle nomade de l’existence infinie renaissance que nous pouvons tuer comme des rats noyés dans une bassine
18.1
L’écorce du cerisier saignant sa résine dorée collante comme du miel
18.2
Le vent la pluie accueillaient le dos des chevreuils et le faisan cherchant compagnie sur la barrière et sous la pierre la salamandre
18.3
Dans la maison instable les saisons du cœur s’agencent réagencent Les pivoines sont toujours là L’alliance dans le bol tibétain relâche ses sucs et revient cercler mon doigt
18.4
Les vêtements quittent leur placard comme des bébés manchots sautant de la falaise de glace Mon corps Toujours là encore un peu
19蛙始鳴
Les grenouilles recommencent à chanter dans les brassées de pimprenelles Fêlure d’une voix La phrase qui m’attend au fond du pré sur le talus s’illumine
19.1
Sur le désert ouvert Se précipite le lait des rivières opulent glacier Chemins d’ânes, oliviers d’argent, sentiers Flanc de la montagne où attendent les livres sacrés
20蚯蚓出
Les vers de terre refont surface Et ces choses dans la cave derrière les boulets de charbon soupirail chez mamie que je fuyais comme le fond d’une mare pleine d’algues Choses gluantes orteils recroquevillés Quelle certitude quel kraken m’attendait dans la crevasse avec ses yeux de corail sans regard ?
20.1
Je coule doucement comme ces pierres endormies descendent avec grâce Vert d’algues du limon au fond Qu’en est-il au fond
21竹笋生
Les bambous poussent Trouve-toi une colonne vertébrale Pousse sans fin Pousse de quarante univers en une nuit diluvienne arborescente Illumine la nuit Luminaires de tes fruits
21.1
Peau tavelée comme une carte géographique Explorateur du bord du monde Conquistador amoureux ayant coulé toutes tes armes
21.2
Aux indigènes Les biens nés Les cavaleurs d’étendues les raconteurs d’ours et de serpent Transe-échelle reliant les mondes
22蚕起食桑
Légers mûrissages. Les vers à soie se régalent des feuilles de mûrier. Le long de la branche ils progressent en avalant tout ce qui se trouve devant eux Êtres-bouches traversés ne peuvent échapper à rien Et surtout pas – vers à soi Mûrir le mûrier
22.1
Aérien papillon vitrail qui promène sa diffraction comme une coupe tendue au ciel
22.2
Métamorphose venue au sein du code brisant son vitrail d’ADN Au sol refaire un être totalement nouveau
23紅花栄
Paumes du carthame sur la peau du muscle cardiaque Leur légèreté de flammes Aurai-je à nouveau l’audace ?
23.1
Espoirs sombrés cloche mauve battant cuivré d’étamines du martagon Joues des grenouilles gonflées d’amour Espoirs faucardés
24麦秋至
La vie s’accroche et s’éboule Les plus vivaces graines agrippent leurs racines échevelées Le blé vient par champ assagi soumis par le soc La folle avoine campe aux portes de la cité monte une tente sous les remparts
24.1
La nuit le feu comme un phare veille les regards nomades
25蟷螂生
Germes et grains. Les mantes religieuses sortent de l’œuf. Tes mots sortent de la coquille casqués d’Athéna foudre à la main brandie
25.1
Les débris de la mante l’amante des mots Fracas tellurique broie le texte
25.2
Triomphe Voix solaires Voix unique émergeant de la coque brisée du larynx
25.3
Lyre-univers Langue divine Étole trouée par les mandibules amoureuses forant la mine profonde Veine ensevelie du charbon de soi
26腐草為螢
Germes et grains. Les herbes mortes renaissent en lucioles Les lueurs ressuscitent à voix basse dans la fatigue du jour Lueurs enrouées des étoiles yeux mi-clos
26.1
La ténèbre dresse son mur de briques noires par milliers par hécatombes vous mourrez en attendant l’été en criant dans le noir aphone tournoyant comme des gyrophares fous
26.2
Chemins sinueux et petites tombes des graviers et des graines sèches Le manteau de la nuit borde le ventre rond de la terre Pour une nouvelle grossesse innombrable
26.3
Jusqu’à la fin des cendres Le dernier soupir de toute vie et tous les souffles jamais respirés
27梅子黄
Germes et grains Les prunes jaunissent Bientôt dans la gorge bientôt sur la langue Jus somptueux Rivières de sucre abritant le couvain du soleil
27.1
Chevelures dénouées des pluies d’été couchées dans les anses Pauvresses errant sur les pentes ravinées des chemins
27.2
Ciel crevé par un poing d’azur
27.3
Nous nomades emportés par l’amble des bêtes et des chariots Clairière où jaillit l’orge semé dans le territoire d’un autre temps
27.4
Les doigts saisissent la couronne des grains L’orfèvre lumineux sculpte La promesse des farines Appelle l’élégance des flammes respirant entre les pierres
28乃東枯
La pluie chante à chaque gosier de ses gouttes innombrables
28.1
Les troncs habillés de ruissellement patientent comme ils l’ont toujours fait dans la certitude du jour et de la nuit
28.2
Pensées égarées cherchent un chemin dans les herbes de la prairie comme un ruisseau débordé
28.3
Je lave mon visage fripé par les travaux de nuit à cette eau orpheline et libre
28乃東枯
La pluie chante à chaque gosier de ses gouttes innombrables
28.1
Les troncs habillés de ruissellement patientent comme ils l’ont toujours fait dans la certitude du jour et de la nuit
28.2
Pensées égarées cherchent un chemin dans les herbes de la prairie comme un ruisseau débordé
28.3
Je lave mon visage fripé par les travaux de nuit à cette eau orpheline et libre
29菖蒲華
Les iris fleurissent Ce n’est pas la flétrissure qui disparaît pas la mort qui cesse de s’abattre comme une averse de juin sur la peau des pétales
29.1
Lueur brûlant au fond du calice sous la lanterne démolie des étamines
29.2
Les iris engloutis au bord de la berge s’adossent pour regarder passer l’eau Turbulences captent le fragment mouvant du ciel
29.3
Dans une anse apaisée les cercles bracelets de la course des gerris
30半夏生
Chaleur bâillon bleu sur la pensée Fraîcheur maracas de sel et de sable
30.1
Ma pensée allongée presque nue un pan dépenaillé
30.2
Dans les franges de l’humus s’arque la danse du vert vivace nœud obstiné de l’embranchement à venir
30.3
Cosse serrant amoureusement le trésor de graines monnaie de vie et de mort
30.4
Tandis que nos rumeurs agitent la buée au-dessus des flots nous passons fétus marquant l’étiage Empreinte légère abolie par le sable et la marée signature invisible au parchemin du ciel
31温風至
Le vent chaud souffle à nouveau poumons révolutionnaires mille langues ourlées feu du dragon
31.1
Nos âmes crient au désert renversé les ondes courantes de mille dunes
31.2
Le ciel parle sans discontinuer et nous ne comprenons pas les mots mais nous entendons la clameur de son murmure
31.3
Nos voix soulevées comme un champ de blé crient de joie dans la nuée l’assombrissant comme un orage densifiant son encre
32蓮始開
Les premiers lotus fleurissent instant serré de leurs pétales sur le point de clore ou poindre Carillon des étamines poudrées d’or
32.1
Lentilles d’eau rêve des grenouilles sur le berceau tremblant de la lune au miroir de l’étang
33鷹乃学習
Je n’entendais pas l’enfance des faucons qui précède le premier vol c’était le vol d’emblée royal
33.1
Ici j’entends le bord du gouffre le corps qui toujours n’a été que repliement marche boiteuse parmi les débris dureté de l’aire
33.2
Régner sans gravité dans la noblesse la certitude des courants
34桐始結花
Je suis dans la cosse dure couchée en biais chien de fusil auprès de mes sœurs noires Sauvage endormie dans le lit de l’ogre
35土潤溽暑
Mon corps Terre tantôt allongée tantôt levée dans le châle de la chaleur
35.1
Caresse de feu l’air crépite d’insectes les fourmis rongent les murs Au matin j’essuie la trace de sciure noire sur le seuil
35.2
Ce petit ruisseau sur la pensée pour trancher l’air épais Filet frais gardé aux profondeurs dans les gourdes enfouies
35.3
Manteau du passé Pourpre impériale saignée aux millions de coquilles Bleu écrasé à la longue patience
35.4
Rêver l’habit des vierges La mère endormie dans la fraîcheur de l’abbatiale
36大雨時行
De grosses pluies se mettent parfois à tomber Tambours, cailloux d’eau Leur éclaboussure son mat poussière frappée qui fume ses sortilèges : calebasses d’odeurs
36.1
Toit massé par les mille doigts de la pluie vertèbres de son faîtage
36.2
Les mots ne suivent pas le chemin du soleil
36.3
Broyer le pigment du gris dans le heurtoir du ciel Cendres sur les jours terre aux joues gorgées
36.4
Soupir de la pluie poussé par mon cœur désolé de tout
37涼風至
Le vent frais souffle à nouveau c’est vrai Branches qui tressaillent comme tremble une main
37.1
De peur ou de joie au fond de moi au fond des bois ma joie plongée dans l’ombre
37.2
Fouissent les sangliers la terre nocturne Souvenir décomposé de la joie se levant comme le croissant de la lune sur la peau de la hanche le visage de l’aimée ses seins dévolus à la douceur du rayon
37.3
Au fond de moi s’avance la biche la lueur étoilée de la nuit dans le regard
37.4
Chasseurs yeux où miroite la cible comme le disque de la lune sur la peau de l’étang
37.5
Son sabot menu scelle avec douceur le sol de la forêt
38寒蝉鳴
Stridulation brosse l’air sombre comme la baie de myrte Chant de chaleur chant d’éveil L’art de perdre il n’est pas difficile d’en passer maître
38.1
Dans ce coin de nuit chaude se tenir au creux de la grande fleur de nuit sombre qui fomente ses parfums
38.2
La nuit d’été est celle qui ne dort pas
38.3
L’hiver hiberne le soleil dans son ventre se vêt d’une robe d’eau et de gel robe de pauvresse feuilles à bas de sa traîne
38.4
L’été la sœur nue aux courbes fabuleuses, courbes d’ébène l’été dans sa couche moite Elle ne dort pas il fait trop chaud et la fièvre des désirs la transperce et l’emplit au ras des lèvres
38.5
L’été sœur immobile dans mon jardin sa nuit grandit ses racines dans l’humus du ciel rencontre les étoiles comme des grains d’or enfouis
39蒙霧升降
Les plumes tombées au sol je les ramasse Ventre labouré du pigeon ramier Perdre ses plumes pour se sauver
39.1
Zones d’ombre zones douces de duvet zones de clarté et d’envol Je vole en diagonale je vole en zigzag La beauté de ce monde me pétrit la chair
39.2
Je guette le souffle du monde dans les feuilles devant ma fenêtre Miroir qu’on place devant la bouche pour les signes vitaux Symphonie des vivants
40綿柎開
Les fleurs de coton fleurissent à ma main où la dent du chien m’a écorchée Champ de coton qui s’étale Cœur de nuage dense Le sang Comment s’écoulera-t-il ? Quand se tarira-t-il ?
40.1
Collines âpres collines de poussière Nuits de charbon et silicose fantasmes pour colmater la brèche Chirurgien ma main comme une étoile de mer Cinq directions Point de croix des âmes liées
41天地始粛
La chaleur s’estompe déjà comme recule le jour géant Dressé de toute sa taille au solstice
41.1
Je bois les flammes au goulot du volcan pendant que la chaleur s’esquive sa longue cape de nuit traînant derrière elle
41.2
Mes pieds foulent le raisin des braises plus de raison en moi l’incendie réfugié
42禾乃登
Les arbres regardent ce qui s’écrit sous leur veille devant la fenêtre sentinelles des mondes cachés dans les mots comme origamis Je suis la pliure me glisse pépin où l’histoire grandit
42.1
Dans leur gland enfant des chênes petite-fille de la colline brouillée par les siècles empilés
42.2
Les feuilles Je sais leur sagesse leur oreille dressée
42.3
Les arbres sont sans sommeil chroniquent la lune accueillent les réfugiés Maisons de la forêt Accueillons ces frères tellement plus forts que nos ombres
43草露白
Les lames tremblent dans l’opaque lait des gouttes Le ciel renverse sa cruche sur le sol entre deux cris de lumière
43.1
L’écureuil sillonne le chêne Trois chevreuils dans le pré en dessous et Hier une grande araignée étoilant la porte À leur façon chacun sait que Ce temps est revenu où l’humain s’estompe sous le poids des pluies dans l’air encore doux
43.2
Nous seuls terrés dans les maisons rentrons tôt et guettons la nuit une lampe à nos côtés
44鶺鴒鳴
Ultime voyage extrême emportée sur les eaux nocturnes corps intimes corps intérieurs portant le corps de chair et d’os de sang et de gestes
44.1
Tombée de la nuit l’automne avec une douceur de plume de corneille retire le jour retire des couches de lumière à la surface du tableau révèle la trame Les soubassements du monde
44.2
Ce qui se lève dans le voile frais de la nuit ce qui se lève dans la lumière qui reflue ce qui se lève dans la moelle Cellules du sang poursuivant sa course vermillonne dans les rapides de nos veines ce qui se lève quand tout est tombé ce qui se lève malgré ce qui se lève sans empêchement possible au bout du couloir des certitudes
45玄鳥去
Les hirondelles s’en vont mon sommeil s’en va poignée de sable dans les yeux le lit du fleuve l’insomnie prépare la fatigue du jour sur les remblais de la veille qui s’enlise
45.1
Le songe plonge juste avant le jour comme le bec de l’oiseau frôle l’eau où se montre l’insecte Libellule au miroir
45.2
Les hirondelles ont eu leur content d’orages qui rabattaient leurs proies comme un couvercle au ras du sol Foison des migrants en quête d’Eldorado en quête de cocagne Elles quittent sans un regard comme une goutte indiscernable au sein de leur nuée d’ailes battantes
46雷乃収声
Le tonnerre cesse son grondement Les roches tombent ricochent sur les parois du gouffre L’écho s’éteint au fond supposé Tonnerre jamais ne cesse Seul s’éloigne son gosier gorge profonde
46.1
L’ombre des crocs imprime rupestre la chambre d’enfant
47蟄虫坏戸
Les insectes se terrent dans le sol Prendre un formidable élan D’une enjambée franchir la colline sauter à pieds joints à bras raccourcis dans le ciel
47.1
Terre féroce brune farine cendres des vivants où plonger nos racines Ancrer notre sommeil
47.2
Propulsés là-haut la vue est splendide Je déchire les nuages couronne dépenaillée sur mon front
48水始涸
Les fermiers drainent l’eau des terres jusqu’aux côtes des rizières qui retiennent leur souffle humide Inventaire du sol forage on ouvre le livre des racines
48.1
Celles des herbes au chapelet de perles offrande pour la bouche affamée
48.2
On ouvre l’ouvrage de la terre le livre des racines noue les lettres de ces mots de langue ancienne Ces mots qui parlent de nous
48.3
Le livre parle du vent qui passe entre les feuilles entre les herbes dans les sentiers de sabots et de pas nuss de la pluie qui caresse des voix de colère des voix de douceur murmurées De la moisson chaude de tous les souffles et des rêves qui montent dans la nuit comme des fumées se joindre aux étoiles.
49鴻雁来
Les oies sauvages sont de retour Les ailes frappent l’air liquide tumultueux Elles enfoncent de la proue du bréchet cet inconnu qui résiste Allant elles ne savent où allant où elles doivent sans rémission
50菊花開
La brume en forme de fleur ourle ses pétales émerge le tissu de la colline Triangle non isocèle triangle quelconque de la pâture d’en face
50.1
Peuplade sœur sur la crête en face son ciel de perle de nacre marine englouti Une nappe avale le triangle devant la ramure de la ligne de peupliers Les trois chênes devant ma fenêtre ne bronchent pas
50.2
Et plus proche l’indécent bouquet de lys roses criant leur parfum criant tant que je l’exilai sur la coursive Bouquet de ma naissance patience des arbres, patience du tronc patience des branches et feuilles du chêne
50.3
Gouttes des glands chutant leur pluie d’automne sur le sol attentif
51蟋蟀在戸
Vent d’automne feuilles qui s’effeuillent comme le tissu glisse sur le corps qui se dénude
51.1
Mise à bas dévoilant le feu qui court sur la peau vague rase incandescente Incendie soufflant la nouvelle de la disparition des glaces
51.2
L’arbre surgit son être multiple À bas la pluie de ses enfants joncher partout joncher plus loin
51.3
À corps perdu l’arbre surgit dans la nudité de son tronc
51.4
La sève quitte la prière au ciel L’espérance nuageuse prend refuge aux profondeurs et à l’obscur
51.5
La nudité danse Les pluies qui lavent descendent nourrir les caves de la terre et les futurs enfants des sources
51.6
Les vents entrent dans la danse épuiser l’épousée Que la terre autour d’elle devienne féconde et la sève pousse son cri aux lèvres du chêne
52霜始降
Les premiers gels apparaissent Fenêtre mangée par l’eau froide en cercles mystérieux Feuilles collées à la vitre comme un herbier la douceur de leur chute perpétuelle
52.1
Couleurs qui montent aux joues des arbres quand flambe leur passage souffle coupé, bientôt, souffle qui retourne au gîte du tronc et des racines souffle noir, souffle d’hiver Mon souffle court, ma gorge prise
52.2
L’ouvert rend la vue à l’aveugle Laissée au bord du chemin comme la peau du serpent comme le pourpre placenta d’incessantes naissances.
53霎時施
La fenêtre ouvre son œil dans la paupière du toit fixe un ciel sans fin sous la poudre de la pluie
53.1
Les étoiles des feuilles dessinent une carte des anges de la forêt tombés à nul combat
54楓蔦黄
Jaune il brûle sans maléfice pure lumière chandelle des feuilles
54.1
L’année se recouche dans l’ombre comme une grande bête pour assoupir les âmes comblées du surgissement fabuleux de la sève Au sortir de la terre au bord de l’humus qui emplit sa tasse d’obscurité durant le long hiver
54.2
En moi fait signe le jeune arbre dévoré de lumière
55山茶始開
Les premiers camélias fleurissent Tout autour tombent les pétales des bombes Panaches de flammes veloutées retroussent leurs volutes sur les peaux qui fondent dans le silence des oreilles dont le tympan s’est refermé comme une porte qui claque
55.1
Nous ouvrons nos fenêtres sur la rue où passent les pas qui mènent aux habitudes Lâchons la piécette de quelques mots à l’aumône des semblables
55.2
Derrière les barreaux serrés de nos côtes l’enfant du cœur se recroqueville Dans le noir Observe pour passer le temps le papillon bleu du minuscule fenestron étoilant sa cellule
56地始凍
Le froid descend dans les couloirs de la moelle les interstices de l’humus
56.1
La nuit les piquants du froid aiguisent leurs couteaux de lumière bleue leurs lustres de cristal
56.2
Certains ont des ailes les ont prises à leur cou Cap vers l’orbe de l’équateur plus près de l’or enchanté du soleil
56.3
Les autres teigneux comme humains fourragent les buissons et le sol blessé Ou, gracieux rêveurs, descendent à fond de terre dans le ventre de l’hiver
57金盞香
Les jonquilles fleurissent il est trop tôt pour les couleurs encore ensommeillées La brume mouille le fond de la vallée rivière tordue serpillère de novembre
57.1
C’est la dernière couche pour le déshabillage des arbres Au merisier les aïeules ne tiennent plus qu’à un fil
57.2
J’ai rangé le tuyau d’arrosage préparé les canalisations pour le gel Les battements de mon cœur hier roulaient comme les petits cailloux Pièces dans la machine vidangée boucle de ceinture dans le tambour du lave-linge
57.3
Et je compte, je plie, fais durer les peaux de temps qui me restent sur l’étagère de l’armoire à la porte voilée.
58虹蔵不見
Le chevreuil aboyait cette nuit crevant le froid son cri dans les buissons de l’obscurité haranguait la lumière n’oubliant aucune racine dans la malle des odeurs assourdies
58.1
Sous une chemise de petite neige le matin mes yeux découvraient la page du ciel rugueuse pelure de neige Herbier mêlé prisonnier sous sa vitre
58.2
Chaque mot sous la neige un point d’exclamation change le visage chaque pli d’herbe, chaque méplat de chemin Comme l’amour s’abat sur nos joues et déverse dans l’iris de nos yeux son orage étincelant
59朔風払葉
Presque jusqu’à l’os déjà les brindilles, les branches montrent leurs articulations noires et gonflées rincées par la pluie
59.1
Feuilles rappelées à la terre jusqu’à la dernière pour nourrir les racines
60橘始黄
Les feuilles des mandariniers tachibana jaunissent au vent mauvais le jaune et les feuilles d’or éblouissent le vent tachent une trace qui se faufile sur l’ourlet du ciel
60.1
J’entends seulement maintenant que mes doigts ont mené l’aiguille ce fil qui fuit à revers dans l’escapade du mot
60.2
Sous la lumière de l’or pailleté s’exposent la cendre du temps souillé les égarements la poussière
60.3
Corps couchés au sol dans le couloir vers la rame corps tressautant des fous celui qui secoue la tête entre ses genoux, celui qui fait des bruits d’explosion
60.4
Le bord du canal se cul-de-sac et là, les damnés à peau noire cramés à l’héroïne Sous le périphérique le rat se faufile aussi un point à l’endroit, un point à l’envers, signal perdu du GPS Mélancolie de ce qui se défait, ce qui se perd, et tremble
61閉塞成冬
Le froid moelle de mes os à fondre au tison de ma pensée brûlante flamme vaporeuse haletante
61.1
Noël s’en vient tu attends les mages tu attends la caravane qui s’étire sur la crête des dunes Le désert respire chargé des épices du monde
61.2
Tu attends le frôlement de l’aile de l’ange aussi vaste que la nuit caressant les nuages emportant leur poussière pour que luisent les clous d’or de l’orient
61.3
Tu attends la gorge éclatante des trompettes les pattes agiles des moutons et les saccades, petits sabots des agneaux
61.4
La promesse s’en vient s’arrête à la porte dénudée dans la mangeoire luisante de gel l’âne le bœuf soufflent leur haleine Leurs doux yeux étamines bercent l’espérance
62熊蟄穴
Igloo du ventre de glace lumière solide Les mésanges accourues du jour s’élevant dans la grisaille Enrubannant le tronc des soubresauts de sa grâce mésange à l’orée des glaces
62.1
L’an dernier je marchais dans la nuit procession des fossés et des murmures noirs des arbres dans l’obscurité je marchais dans la phosphorescence des regards Les voix amies hantaient la nuit
62.2
Je sens plus fort la morsure de la distance à ma gorge saisie Mésange virevoltante me sauve de ses ailes vibrantes comme un pouls
63鱖魚群
Les eaux remuent sous la pression des corps veine grisâtre au front de l’océan Menace d’éclatement, le monde migraine
63.1
Cerveaux d’enfants cerneaux de noix coquilles dansantes dans la tempête bateaux ivres dans l’orage
63.2
Les cyclones font monter leur murmure La violence a toujours été là dans la mort brutale contre le sang chaud Les berceuses ont toujours été là pour apaiser la nuit soupir d’un sommeil, embrassement des loups.
63鱖魚群
Les eaux remuent sous la pression des corps veine grisâtre au front de l’océan Menace d’éclatement, le monde migraine
63.1
Cerveaux d’enfants cerneaux de noix coquilles dansantes dans la tempête bateaux ivres dans l’orage
63.2
Les cyclones font monter leur murmure La violence a toujours été là dans la mort brutale contre le sang chaud Les berceuses ont toujours été là pour apaiser la nuit soupir d’un sommeil, embrassement des loups.
64乃東生
La sève hiberne dans la terre qui accueille la nuit Au plus loin des fureurs du soleil Au plus loin de son ellipse
64.1
Au fond des terriers Au creux des tunnels murmure du jour lointain
64.2
Les petits animaux terrés cultivent leur mémoire des feuilles et des herbes, serrés contre les fruits engrangés en des temps solaires
64.3
Feux des forges originelles cymbales des étoiles Les cristaux du sucre illuminent ses rosaces au fond du cellier des cellules
64.4
Souvenir du rouge souvenir du cœur dans le rêve étroit de l’hiver
65麋角解
Le cerf perd la tête les rayons bas du soleil d’hiver pris dans ses branches Le bois nouveau perce dans son cerveau Explosion des pensées dans le givre
65.1
Les colonnes des troncs vacillent le temple ne s’écroule pas à sa suite Je trébuche dans les racines dans la mer des feuilles mortes
65.2
Buée d’or enluminure la page que sa couronne a griffée
66雪下出麦
Le petit chien ne marche plus sur la neige il marche sur le souvenir ses pattes légères effleurent la lumière
66.1
Blanc fleur de larmes dans la neige fraîche de l’année
66.2
Hors du temps je piste les empreintes de la pureté dans la forêt nue
66.3
Les troncs montrent leur peau noire l’eau goutte des branches tintement de cristal Cathédrale et parvis forêt du à jamais
66.4
Mes pas seuls écrasent les cristaux des flocons brisent leur verre éparpillent leurs brèches éparses
67芹乃栄
Porte de l’étable marquée par la fuite de la comète L’ange filait vers la pointe du jour, sa robe bleue éclaircissant l’horizon.
67.1
Processions de marcheurs rassemblant leurs coulées dans les collines, visages tannés par la route La fleur poussée sans raison dans le creux de l’hiver.
67.2
Têtes coupées des innocents comme s’abattent inéluctables les corolles.
68水泉動
Les sources se dégèlent. Je la vois, dans sa couronne de racines noires bander son échine sombre puis, d’une secousse, libérer la transparence Abreuvée jusqu’à plus soif, la terre soulagée Clarté de ce regard pleurant sur la mousse purifié par l’obscurité.
69雉始雊
Les faisans se remettent à chanter pendus par les pattes sur les gonds de l’année redevenus soleils au centre de la coquille
69.1
Oisillons leur bec appelle la rotondité parfaite fendille une étoile
69.2
Appeler, encore, encore le ciel, la faim qui dévore, le bec princier des parents
69.3
Leur miracle assez fort pour s’élancer du rebord parfaitement tissé de ce monde à peine plus grand.
69.4
L’air les habite jusqu’aux creux de leurs os qui respirent les courants leurs semblent aussi tangibles que les eaux de la rivière
70款冬華
Les os sont encore nus dans les mots, sous la peau.
70.1
Tout en haut cages des poumons, petites clés ouvragées des clavicules, embryons d’ailes le cri fraye leur bec et le ciel, sans la splendeur des plumes carénées pour naviguer le ciel
70.2
Dès la singularité de l’œuf, l’ovale parfait, la douleur inconnue Le dehors déjà flûtait son chant, son harmonium d’enluminures. Il devait naître, savoir l’ouvert.
70.3
Le bijou de l’oiseau, conquistador des nuées, qu’importent les pertes
71水沢腹堅
La glace s’épaissit sur l’eau Pellicule de la peur sur mes lèvres bleues La beauté prise aux cristaux rase la colline le jour allume la mèche qui court, vipère sur le ventre de la terre, Faire long feu, espérance
71.1
Chiots ingrats sur le ventre de cette chienne sublime, nous tétons pleinement ses mamelles, Alors que dans l’herbe le serpent allumé sème l’incendie, la jungle ploie sous la cacophonie des singes et des oiseaux, Dards violents, nuée d’épingles hérissant le sol sous nos pieds.
72鶏始乳
L’oiseau à venir est dans ma main Dehors et dedans vieille rengaine La vitre invisible cogne dans mes os chaque instant le grand coup sourd du vol éclate à nouveau dans mes os une minute après un pigeon ramier repart et se dissout dans le ciel